jeudi 14 juin 2012

Gabriel & Isidora, suite.

Vous pouvez lire ici la première partie, bonne lecture !
Je l'ai écrit en écoutant Je ne regrette rien d'Edith Piaf dans les oreilles, je vous conseille de le lire en faisant de même 

Pouring rain.
L’hôtel était calme pourtant. Etonnement vide même. L’homme la cherchait. Il était à l’affut. Raide, tendu. Un mouvement furtif glissa sur le mur, une ombre caresse son visage. La balle fuse et s’écrase contre le mur. L’homme se retrouva la tête contre le tapis alors que le son mélodieux de la cabine retentissait. Une simple seconde de distraction aura suffit. Lorsqu’il bondit sur les panneaux de métal, les portes de l’ascenseur se sont déjà refermées sur la belle.
Méticuleusement, il fouilla chaque étage. Le moindre recoin, la moindre porte, le plus petit interstice. Mais elle n’était nulle part et il fallait se rendre à l’évidence. Du doigt, il pressa le dernier bouton qui vibra d’une douce lumière. L’élévateur siffla brièvement. Il y était. La penthouse laissée ouverte. Un simple panneau de bois sur lequel étaient gravés en lettres d’or les mots « Suite du Ciel ».
L’homme  défit son gant de velours pour se saisir d’un élégant boitier noir. Lorsque la commande fut actionnée,  toutes les lumières furent soufflées et l’ascenseur entama sa chute dans l’abîme de sa cage. Le regard acier à température de fusion, le tueur poussa le porte négligemment laissée ouverte.
« Je t’attendais, Gabriel. »
L’homme posa son élégant sac noir au sol. La moquette étouffait les sons. Des centaines de flammes étaient là, comme si un simple geste de la femme suffirait à les faire jaillir de la cire pour dévorer le dernier étage du palace.
« Tu vas me poursuivre à chacune de nos vie ? »
Gabriel s’approcha, la tueuse se raidit imperceptiblement sur le sofa rouge sang qui trônait au centre de la pièce épurée. Un éclair noir fusa et un révolver de jais siégeait dans le creux de la main de la jeune femme.
« Ne bouge pas mon chou, je t’aime bien en entier. »
L’homme retira son nœud papillon et sa veste de costume noire comme un ciel d’été.
« Tu aimes les bougies ? Cette fragilité, tu l’aimes non ? Comme si au moindre mouvement, tout allait s’éteindre, ce sentiment d’éphémère, cette précarité. »
Sa voix était liquide, chaude, douce. Et puis rugueuse aussi. Froide. Cassante. Telle était Isidora. Pour une vie tueuse.
« Isidora, viens, on change. »
Les longs cheveux bruns de la jeune femme s’échappèrent de son chignon strict pour effleurer son bassin aux courbes renversantes.
«  A quoi ça sert ? »
Le temps se figea, l’horloge cessa de courir après le temps, le sable s’immobilisa dans son immuable chute.
« Tout ça. Ces vies. Ces multitudes identités. Pourquoi on s’en souvient nous ? Pourquoi tu me cherches à chaque fois ? Pourquoi ? »
Gabriel fit trois pas de plus. Isidora était debout. Les deux amants maudits étaient désormais collés. L’homme pouvait sentir l’exaltante odeur de la peau couleur miel de son aimée.
« Je t’aime. »
Comme si ces simples mots pouvaient servir d’explication.
Isidora tremblait et avec ses longs doigts, tremblait le révolver entre les côtes de Gabriel.
L’homme fit basculer la tueuse sur le sofa et posa ses lèvres dans son cou.
« Arrête tes conneries ! »
Un coup de pied bien placé et Gabriel volait à travers la pièce. Dans les décombres tombant d’une table en acajou le tueur se releva. Isidora était debout imperturbable dans son long fourreau noir échancré à la cuisse. Un éclair de peau s’échappa de la robe. Gabriel s’approcha encore. Le corps de la belle s’écrasa contre le mur avec un râle de douleur. Son amant parsema son décolleté de baisers de plus en plus insistants tout en esquivant légèrement les coups de la somptueuse femme.
Les lèvres au rouge parfait de la russe s’entrouvrirent.
« Gabriel arrête, on n’a pas le droit de… »
« Tais-toi bon dieu. »
Les cheveux d’Isidora semblaient se décolorer comme pour devenir rayons de miel plus que reflets d’écorce.
« PUTAIN LÂCHE MOI MAINTENANT ! »
Alors que le cri s’arrachait de la gorge de la jeune femme, ses mains s’agrippèrent à la chemise de Gabriel. Le tissu s’arracha sur toute sa longueur. Le dos de l’assassin s’exposa aux coups de moins en moins impliqués d’Isidora. Gabriel fit valser son amante sur le canapé où ils échouèrent tous les deux. Les deux corps tombèrent sur le sofa écarlate. L’espionne russe murmurait des mots incompréhensibles alors que tout son être se cabrait. Son dos se cambra, ses bras s’arquèrent, une perle de sang glissa le long de ses lèvres tandis qu’elle mordait désespérément sa chaire pour ne pas perdre définitivement pied.
Les caresses de Gabriel muèrent, se firent plus pressantes, plus fortes. Plus basses aussi.
« NON ! »
Ils roulèrent au bas du canapé, percutèrent la table basse qui éclata en morceaux.
Les cheveux d’Isidoras étaient maintenant blonds comme les blés, se paraient de milles boucles onctueuses. Gabriel était nettement plus brun, ses yeux prirent une teinte vert d’eau et son sourire se fit puéril.
« Oh… Gabriel. »
Alors Isidora s’offrit entièrement à son éternel et cyclique, son brûlant et désespéré amant. Les vêtements volèrent dans toute la pièce alors que la police défonçait la porte de l’hôtel.
La russe se souvenait de tout maintenant. De chaque fois. Chaque dénouement. Sous la pluie. Ailleurs. Dans un autre corps qui, inexorablement se changeait en celui-ci. Et puis ils se retrouvaient. Pour s’aimer. Physiquement. Spirituellement.
Isidora cria de bonheur, Gabriel riait de plénitude.
Lorsque les forces de l’ordre défoncèrent la porte, l’appartement était sans dessus-dessous, la baie vitrée explosée, les deux amants sur le rebord de la terrasse.
« Qui … Qui êtes vous ? »
Ni l’un ni l’autre ne prit la peine de s’intéresser au pauvre éclaireur balbutiant.
« Alors on se retrouve tout à l’heure ? »
« Dans une autre vie, oui. »
« Ne me cherche pas cette fois je… Tu te fais du mal. On se fait du mal. On doit mourir encore et encore, s’il te plait… »
« Je te chercherais pour toujours Isidora. A la vie. A la mort. »
Ils chutèrent sans bruit, dans la nuit pluvieuse. Dans la nuit profonde, la main dans la main. Alors que le monde entier aurait dû hurler de tristesse, seul le silence semblait présent.
Les deux voix s’entremêlèrent.
« A jamais. »
« Pour toujours. »



> La suite.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Take a ticket to the highway